Dans de plus en plus de communes, des conseils communaux sont organisés, parfois réduits en nombre de participants et le plus souvent sous la forme de téléconférences. Pour entretenir le dialogue entre forces vives locales et pour assurer la continuité du contrôle démocratique. À Braine-l’Alleud, le Bourgmestre choisit les moyens du show-biz : une session « Facebook Live »  à sens unique. Vous avez dit démocratie ?

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Une invitation au dialogue

C’est le Ministre wallon des pouvoirs locaux, le socialiste Pierre-Yves Dermagne, qui le disait dans son arrêté du 30 mars à destination des pouvoirs locaux : « Durant cette période, il importe que le dialogue et la transmission d’information entre les instances des pouvoirs locaux soient maintenus. »

Il poursuivait en précisant : « Dès lors, je vous invite à prendre toutes les dispositions utiles afin d’organiser le relais de l’information vers les conseils, concernant les mesures adoptées par les exécutifs locaux durant la période couverte par [les] arrêtés de pouvoirs spéciaux et justifiées par la crise sanitaire. Cette transmission peut, par exemple, prendre la forme d’une réunion virtuelle organisée avec les différents chefs de groupes des conseils. »

À Braine-l’Alleud, dans un courrier daté du 16 avril, les 4 chefs de groupe des partis de l’opposition (Corentin Roulin pour Ecolo, Olivier Vanham pour Intérêts Brainois, Domenico Monachino pour PluS et Christian Ferdinand pour Défi) ont fait la proposition au Bourgmestre de tenir une telle réunion virtuelle.

Leurs arguments : « Il nous semble essentiel que l’ensemble des partis démocratiques représentés au Conseil communal puissent être correctement informés afin de relayer les réponses qui seront apportées auprès des citoyens. La dernière réunion du Conseil communal date du 27 janvier dernier, c’est-à-dire bientôt trois mois. Face à la crise exceptionnelle que nous vivons, nous estimons que le contrôle démocratique des élus doit pouvoir s’effectuer en toute transparence mais surtout de façon structurée et large, ce que nous estimons ne pas avoir été le cas à ce jour. »

Une réponse à côté de la plaque

La réponse du Bourgmestre ce mardi 21 avril : envoyez vos questions par écrit avant ce vendredi 17h et j’y répondrai dans une session « Facebook Live » publique ce dimanche en fin d’après-midi.

Et, comme il en a pris l’habitude, c’est à la presse qu’il réserve quelques détails qui ne manquent pas de sel : non seulement le Président du CPAS et le chef de corps de la zone de police sont convoqués mais il invite aussi « la responsable des infirmières de l’hôpital de Braine-l’Alleud » … qui est par ailleurs conseillère communale de la majorité MR.

Pas de réunion donc, mais un show à la manière et avec les outils du show-biz : un Facebook Live,  cela fait penser à un concert pop ou à une conférence de presse où une vedette auto-proclamée s’entoure de faire-valoir pour répondre « en direct » à des questions préparées et triées sur le volet. Car le Bourgmestre se réserve de ne répondre qu’aux questions « utiles »…

On n’est donc pas à l’abri des dérapages que l’on voit parfois dans ce genre d’exercices : autosatis­faction, arrogance, effets d’annonce et poudre aux yeux.

Quelle démocratie ?

À première vue, on aurait pu accueillir favorablement un exercice de communication qui vise à s’adresser directement aux citoyens. Mais nous y voyons en réalité une manière de ne pas respecter le contrat démocratique local qui lie les électeurs et les élus. Voici pourquoi.

  • Pas de Conseil communal
    Des mois cruciaux de crise se sont passés sans réunion du Conseil communal. Et sans que l’on perçoive un ardent souhait d’en organiser un prochainement. Les règles de la démocratie locale, et les conseillers communaux avec elles, semblent tenues pour quantité négligeable.
    Pourtant, ces élus sont le relais des citoyens et ces règles, les garantes d’un contrôle démocratique pour qui le règne de l’urgence et des décisions unilatérales doit être limité au strict nécessaire.
    Sans compter que pendant ce temps-là, la vie continue pour la commune sous d’autres aspects : déploiement non concerté de la 5G, autorisation du projet immobilier pour le site de l’ancien lycée… les questions d’actualité restent en rade.
  • Pas de dialogue ni de débat
    La tenue d’une conférence, même relayée dans un média social, ce n’est pas un dialogue. Le format de diffusion ne prévoit pas d’échanges, seules les questions posées à l’avance sont autorisées, ou éventuellement celles posées sur la page Facebook en cours de session. Mais sans garantie de réponse : le Bourgmestre a en effet précisé qu’il se réserve de répondre aux seules questions « utiles » et d’avoir recours à un modérateur « pour juger de la pertinence des questions ». Qu’on se le dise : l’impertinence n’aura pas droit de cité. Ni dialogue ni débat avec les conseillers communaux : pas de possibilité de poser des questions plus actuelles que celles datant du vendredi 17h, ce qui empêchera de prendre en compte les éléments de la conférence de presse qui conclura la réunion du Conseil National de Sécurité ce jour-là. Et pas de répliques en séance : si des affirmations fausses ou tendancieuses venaient à surgir ou si des explications alambiquées et peu claires venaient à être données, personne ne sera là pour le relever. Sans compter les différences de sensibilité et de point de vue qui, dans une assemblée d’élus, reflète celles de toute la société. Certains citoyens pourraient se sentir oubliés.
  • Pas d’égalité d’accès
    A-t-on jamais vu un pouvoir démocratique s’exprimer en tant que tel sur un réseau social ? Des femmes et des hommes politiques peuvent y faire campagne, y défendre leur action, y communiquer leurs convictions et y débattre à l’occasion avec l’un ou l’autre citoyen. Mais un réseau social reste un espace géré, en général de manière peu transparente, par un acteur privé, en général une multinationale. De plus, il n’est pas accessible à tous : tout le monde n’a pas Internet, tout le monde n’est pas inscrit sur Facebook. L’utilisation de ce moyen ne garantit pas l’égalité de traitement entre les citoyens.

Qu’allons-nous faire ?

Cette séance d’information n’est donc pas une réponse adéquate à la demande des groupes de l’opposition d’assurer, avec ouverture et bienveillance, la continuité de la vie, du dialogue et du contrôle démocratiques à Braine-l’Alleud.

  • Nous continuons à demander la tenue d’un Conseil communal à brève échéance, sous une forme aménagée aux circonstances.

Mais il n’y a pas lieu de snober l’exercice de communication du Bourgmestre pour autant : l’occasion est offerte de poser des questions, posons-les. Et veillons à ce que des réponses soient apportées.

Nous communiquerons ensuite à notre tour, selon nos moyens, avec notre point de vue et notre sensibilité, à la fois sur la situation du moment et sur les perspectives d’avenir.